[Pressetcité] Beurs et blédards, le clash ?

Article paru le 11 juillet 2011

« Blédards », ces Maghrébins fraîchement arrivés du bled, d’où leur surnom, sont souvent la risée de leurs concitoyens pour leur look, leur accent, leur mode de vie. Notamment de la part des jeunes issus de l’immigration maghrébine, les « beurs ». « Beurs » et « Blédards » le clash ?
« Les bledards ? Nan, ils n’ont rien à voir avec nous. D’abord ils ont un look, laisse tomber tu les reconnais tout de suite. Ils vivent toujours comme s’ils étaient au bled. Même si ça fait plus de dix piges qu’ils sont en France. Le plus drôle c’est leur accent. Ils inventent carrément des mots, ni français, ni arabe. » Anis*, 22 ans, n’est pas tendre à l’égard des Maghrébins récemment installés en France. Comme d’autres de sa génération, il les appelle les «blédards», s’en moque sans modération, à la limite du mépris parfois. Mohamed, 31 ans, confirme et signe : « On ne se fréquente pas, on ne se mélange pas, on se comprend pas. » Les raisons ? Difficile à exprimer semble-t-il. « On n’ose pas tellement aller vers eux et eux non plus ne viennent pas vraiment vers nous. C’est un mélange de préjugé et de méfiance. Nous on a toujours l’impression qu’ils vont nous demander quelque chose et eux pensent qu’on se fou de leur gueule… Ce qui est souvent vrai… Mais pas devant eux ! » Du coup, le terme « blédard », à très forte connotation péjorative, a même fini, par extension, à qualifier ceux qui manquent de style, de classe, de culture. « Entre nous (les jeunes de France), quand on s’habille mal, quand on parle de n’importe quoi ou n’importe comment, on se traite de bledard, poursuit Mohamed. C’est une insulte pour nous. Et pour eux aussi : le bledard c’est le mec qui vient de descendre de sa montagne. »
 

 

 

Méfiance
Les filles seraient-elles plus tolérantes ? « Blédard égale papier, résume catégoriquement Leïla*. C’est plus fort que moi, je n’arrive pas à leur faire confiance. J’ai toujours l’impression qu’ils nous tournent autour pour obtenir leur régularisation. » Sauf que tous les « blédards » ne sont pas des clandestins rappelle Samira, 32 ans. « Contrairement à ceux que l’on croit c’est loin d’être des mendiants. Certains sont des fils de diplomates, d’autres ont des parents chefs d’entreprise, médecins ou avocats. Bref, ils viennent de bonne famille. Mais ils ne se la pètent pas. » C’est ce qui lui plaît chez eux. « Ils sont respectueux, galants, ils ont le sens de la famille, de vrai valeurs et souvent, ils sont beaucoup plus tolérants que les mecs nés ici. » Mais si l’on parle davantage des « blédards», il y a également les « blédardes ». « Elles, elles sont terribles, tranche Samira. Elles ont du vice. Leur seule ambition c’est de faire un bon mariage et de plumer leur mec en attendant. »

 

 

Nuances
Myriam*, 25 ans, est plus nuancée. « Quand je vois certains jeunes français d’origine maghrébine, je me dis qu’ils ont des choses à apprendre des blédards car ces derniers ont conscience que le travail est une chance, que pour s’en sortir il faut travailler dur. Ils sont en effet moins protégés que nous et ont plus conscience des réalités. Je trouve que parfois ils ont plus de mérite… » Surtout Myriam s’est rendue compte que quand elle passe les vacances dans le pays de ses parents, au Maroc, les rôles s’inversent. « Quand ils parlent français avec leur accent à couper au couteau, il faut se dire qu’on a le même accent quand on parle arabe ! Et que notre façon de vivre peut être un sujet de moquerie pour eux aussi quand on rentre au bled. » Et c’est le cas.

 

 

A chacun son bled
« Ils arrivent entre le 1 juillet et le 31 août, observe Aymen, 45 ans, Tunisois. Ils sont bruyants, malpolis, ils ne respectent ni leurs parents, ni nos traditions. Rien n’est assez bien pour eux. Ils descendent avec des voitures, des chaussures de marque, des montres de marque… Des contrefaçons ou des trucs volés… » Ce qui exaspère encore plus ce père de famille c’est l’influence qu’ils peuvent avoir sur la jeunesse locale en mal de vivre. « En Tunisie, nous avons un grave problème : tous nos jeunes embarquent dans des bateaux de fortune pour aller jouer au chat et à la souris avec les policiers en France. C’est en partie à cause de ces jeunes qui leur font croire qu’ils vont avoir une vie dorée en France, plus cool, avec les business, les cités, et le RMI. »
Même aversion chez les « blédards » présents en France. « Je ne parle pas de tous, mais la plupart, c’est de la racaille… 90% au moins, juge Baroudi, 40 ans, Algérien. Ils ne connaissent rien, ni de nos traditions, ni de notre histoire. Ni le haram (l’illicite), ni le halal (licite). De toute façon, ça ne les intéresse pas. » Nazir, 35 ans, Tunisien installé en France depuis 10 ans, y met plus de gants, mais le fond est le même. « On n’a rien à voir ensemble. Nous, on est plus proches de notre pays, eux, ce n’est pas de leur faute, ils sont nés ici, ils sont partagés, ni Français, ni Arabe. Je ne vais pas mentir, je n’aime pas trop traîner avec eux. Bien sûr, j’en rencontre au café, au boulot, même si on discute, on ne se fréquente pas vraiment. Ils ont toujours le sentiment qu’ils sont supérieurs à nous parce qu’ils parlent mieux français, parce qu’ils sont nés ici, qu’ils sont Français. Les filles, c’est pire, elles pensent qu’on est forcément intéressé. Ils oublient que le mariage, comme l’immigration, c’est avant tout une histoire de destin. C’est maktoub [le destin]. »

 

 

 

Dounia Ben Mohamed

 

 

Be the first to comment on "[Pressetcité] Beurs et blédards, le clash ?"

Leave a comment