Chanteloup-Les-Vignes

 

Déconcertante phase terminale
De concert avec son cancer
Antony brade toutes ses affaires
Avant son aller simple à l’hôpital

De Poissy pour pourrir
Délicatement, puis mourir
De solitude et de putréfaction
Sa pelure, déjà enflures et rubéfactions

Antony, à la douleur, vaillamment s’accoutume
Il fume, boit, boit, fume, reboit et refume
Grignote entre deux murs de quintes de toux et de spumes
La maladie l’irradie, nous voyons bien qu’il se consume

Quand il essaie de nous faire l’article
A chaque remous de ses lèvres, gicle
La camarde. Camarades, servez-vous !
Tout est à vendre, je dis bien tout !

Il sourit à pleines gencives
Un rictus perfide ravive
Sa carcasse de réguisé
Enfer généralisé

C’est la dernière ligne droite
Lui a dit le médecin
Il ne contrôle déjà plus ses reins
En réalité, il n’est plus qu’un squat-

Teur ici-bas, savourant les mégots de vie
Dans une semaine, voire deux
Il sera alité, légume… guère mieux
A l’évidence, nous sonnons l’hallali

Dans l’assemblée de vautours et hyènes
Se diffuse un lourd sentiment de gêne
Devant son regard éteint et sa maigreur extrême
Une femme s’enfuit, les autres se retiennent

Jusqu’à ce qu’un incongru s’écarte
Et se saisisse du grand écran plat
Enfin ! Déambulant dans l’appart
On mate, touche, tripote, fouille

Dépouille cette caverne d’Ali Baba
Que plus rien ne souille
Même pas le squelette animé
De notre hôte désarrimé

Les prix sont si bas
Donc, Antony ne négocie pas
Il veut se faire un étoilé, une caravelle
Se payer ad coma ses précieuses Camel

Et s’en aller, nu, comme il est venu
En moins de vingt minutes
Deux gourdasses mal-entretenues
Se disputent la cocotte-minute

ça racle les fonds de tiroirs
ça vide les armoires
ça s’échange des vaisselles
Même la fuyarde sue des aisselles

Antony est prié de quitter son rocking-chair
Je me hasarde à lui poser une question
Il a deux ex-compagnes et six rejetons
Mais mène une vie bien solitaire

Depuis de nombreuses années
C’est pas mal pour une vie de merde
Ils me savent condamné
Mais attendent que je décède

Me retorque-t-il,
Espèrent récupérer mes biens
Je ne leur laisserais rien
Rien d’autres que des comptes vides

Il ne reste plus rien d’intéressant
Les charognards sans égards s’en vont
Nous sommes quatre dans le salon
Et son visage est plus inquiétant

A croire qu’il se voit enfin déchoir
Il nous lance un intense regard
Plein de délicatesse et déclare :
Edgar n’a jamais réussi à me quitter

Sur l’étagère décati, trône The Happiest Day
Seul. Debout. Anéanti. Il recompte son argent
Sèche une rasade et lance à la cantonade
Ne vous retournez surtout pas en partant

 

 

 

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