Onfray ou la censure en vrai

Michel Onfray est un type, brillant, bosseur, self-made-man, qui a toute ma sympathie pour avoir oser démonter Freud et sa psychanalyse. Je lui en saurai toujours gré de cet acte de folie, de résistance à cette vaste fumisterie qu’est la psychanalyse, sorte de blabla pseudo intello servi à toutes les sauces pour expliquer et comprendre l’homme. Mon instinct m’a toujours prémuni de ces inconsistances laudatives et nous étions plusieurs à nous féliciter du boulot effectué par ce dernier pour mettre en lumière toute l’hypocrisie et la fausseté de Sigmund.

 

 

Soyons carrés, je ne connais rien en philosophie et pour être franc, je me méfie comme de la peste, de ces philosophes qui pullulent partout, ressassent interminablement de vrais penseurs disparus et n’apportent jamais rien de nouveau, d’édifiant, de patent. Philosophie = éternelles resucées d’anciens. Mais mon intervention ne porte pas sur cela, grâce à Dieu.

J’ai été assez surpris par l’attitude de Michel Onfray dans cette vidéo, sniper de grand talent, de gauche forcément, critique assez acerbe de l’époque et pas connu jusqu’aujourd’hui pour être un censeur.

 

 

Ses arguments pour justifier l’éviction d’un auteur à une conférence à laquelle il est l’invité phare, sont juste pathétiques.

 

 

1er argument : la pleurniche; degré zéro de l’argumentation

 

Ma femme a un cancer avec métastases… Euh… Je pourrais être avec elle… Je devrais être avec elle… Je suis avec vous, j’avais juste prévu ça, par l’amitié, etc…

 

Que peut-on rajouter après cela sinon être en empathie avec le pauvre mari d’une cancéreuse et trouver l’impétrant Parayre, véritablement odieux de s’imposer ainsi à un homme qui souffre, tellement ? Et qui daigne vous honorer de sa présence malgré les souffrances incommensurables qu’il subit.

 

2e argument ; il n’en a pas, c’est du constat, de la colère, de l’émotionnel

 

Malgré ce que je subis, je me suis déplacé, ce n’est pas pour venir me confronter à un type qui a écrit un livre pour me nuire. Je m’en vais, retenez-moi ! (vous vous rendez compte, j’ai même pris un avion pour me dépêcher de venir vous parler et je tombe sur un traquenard. Non, je me casse ! Ou bien, virez le malotru)

Honnêtement, je peux comprendre que cette situation ne soit pas agréable pour qui que ce soit, surtout si vous n’êtes pas au courant de l’opposition « forcée » qui vous attend. C’est chiant, c’est certain. Mais, c’est quoi une conférence-débat (où le public pose des questions, normalement) et à quoi cela sert-il de se rendre à une conférence si c’est pour refuser d’affronter ceux qui ne pensent pas comme vous ? Si l’on est pour le débat, il faut accepter que des auditeurs avertis, aguerris, acrimonieux, des contradicteurs, des ennemis ou des rivaux, profitent de cette occasion pour se mesurer à vous. C’est la règle implicite de tout débat. Livrer sa vision sur un sujet de société et se défendre face aux réactions que cela suscite. C’est le débat.

Aujourd’hui, quels sont les lieux d’échanges et d’opposition qui existent encore ? Les débats télévisés sont des présentoirs d’idées, de dialogues convenus, de papotages d’amis, des lieux de branlettes collectives, les libelles sont rares; les tribunaux servant désormais d’antres de la censure et de l’auto-censure, les universités, des centres de vénérations de chercheurs-maison,… Où peut-on encore rencontrer et discuter avec Michel Onfray si ce n’est à une conférence ouverte au public ? Et surtout, l’évitement étant devenu la norme dans le milieu de l’indigentsia actuelle, Onfray aurait-il accepté cette conférence s’il avait su que son contradicteur y serait accueilli ?

 

Onfray n’a pas fait interdire le livre de Parayre; c’est déjà ça. Il aurait dû vérifier la liste des invités avant de s’engager. Et ben, non ! Il a débarqué en terrain conquis, puis devant l’expression de son manque de vigilance, éructé, fait sa diva pour évincer son pourfendeur.

Apparemment, la conférence portait sur Camus, les deux philosophes ayant écrits sur le fameux écrivain. Onfray a-t-il donné une seule chance à l’échange ? On se doute que Parayre n’aurait pas manqué de s’attaquer directement à l’objet de son travail littéraire pendant cette conférence. Il aurait alors été plus simple pour Onfray de faire recadrer le débat et en fonction, de la virulence de son contradicteur, de refuser de le poursuivre (Le public est surtout constitué de néophytes et si l’on doit se bagarrer avec un contradicteur zélé, ma foi, il vaut mieux être prévenu. Et puis, je le lui accorde, on a le droit de ne pas vouloir discuter avec ses contradicteurs. Est-ce de la censure et/ou de l’inélégance, du mépris, de la peur ?) Un vrai démocrate aurait même laissé pisser, et suggérer un autre rendez-vous pour une discussion plus adaptée. Onfray s’est chié dessus.

 

Le maire accourt au service de son grand invité

 

Simple question, qu’est-ce qui aurait été juste de faire à la place du maire ?

Onfray a donné son aval, Parayre a bossé sur le sujet puisqu’il a un livre sur Camus, est invité et n’est pas moins méritant que les autres invités à l’estrade.

Le maire a fait un choix, le choix le plus attendu, le choix du fort. Le contraire eut été courageux de sa part. En effet, Onfray n’avait qu’à s’en prendre à lui-même pour n’avoir pas vérifié qui serait à la conférence. Le maire a choisi son camp et livré à la foule, l’impétrant.

 

3e argument : c’est lui ou moi !

 

Moi, je ne débats pas avec les gens qui estiment que je suis un imposteur… Qui remplit la salle ? Lui ou moi ?

 

 

Comment faire qu’un public se mette à dos un inconnu quand on est une star des plateaux télés ?

 

Avancer sans ciller un argument-massue : je ne parle pas aux gens qui me prennent pour un imposteur.

Imposteur : personne qui trompe par de fausses apparences, qui se fait passer pour quelqu’un d’autre. Super ! Bonjour, le débat !

Moi, je ne parle aux gens qui pensent que je suis un connard. Mon dentiste ne parle pas aux gens qui pensent qu’elle est kabyle.

Le prince parle français, mais il parle pas à toi

 

Qu’est-ce qu’on peut vraiment répondre à ça ?

 

User d’un argument d’autorité : qui remplit la salle ? Lui ou moi

Sous-entendu, qui est le plus légitime à rester en face de vous ?

Le public, venu nombreux, évidemment pour la star, se range naturellement vers celui qui a tout leur crédit. Applaudissements.

 

Obliger à faire un choix, prendre une décision rapide : laissez-les faire leur débat sans moi

L’inconnu, le malotru, l’insolent, le gênant,… est prié de remballer sa « came » et de ne pas troubler la communion avec la star. Car s’il reste, cela signifie que le public se passera de lui (la star), celui qu’ils sont tous venus voir.

– Rappeler la vilénie supposée (a-t-on encore le droit de critiquer ?) et en tirer les conséquences tout en profitant pour enfoncer le clou (au cas où certains mugus n’auraient pas saisi qui est attaqué) :

on (qui on ? S’il ne fallait pas débattre avec des imposteurs, ça se saurait, ça se verrait; surtout à la télé, avec des invités permanents comme BHL, l’ami du Commandant Massoud, PPDA, l’interviewer de Fidel Castro ou encore l’économico-politico-geopolitico-historio-philosophico-banco-écrivain Alain Minc qui vient encore d’être condamné pour plagiat) ne débat pas avec les imposteurs… Moi, je ne débats pas avec les gens qui me traitent de nazi, de fasciste, de pédophile, en fait… J’ai droit à ça en permanence.

 

Le pauvre Parayre n’est pas celui qui est incriminé visiblement (les gens)mais face à une telle déferlante (Onfray reprochant me semble-t-il ce procédé à ceux qu’il agrafe lui-même), et aucun moyen de contrecarrer ces attaques en dessous de la ceinture, le public a désormais d’excellentes raisons de chasser l’harceleur, le dangereux individu qui salit leur champion. Les digues viennent de sauter; s’il y avait encore une personne pour émettre des réserves sur la situation, elle sait désormais ce qui lui reste à faire : se taire ou aboyer avec les loups.

Le public hue. Le climat devient lourd, les traits se tendent. Onfray satisfait, boit un peu et met ses mains sur ses hanches (the job is done !) tout en regardant se débattre son jeune rival dans la nasse. Le combat est déjà fini, seul Parayre ne le sait pas. A chaque fois qu’il ouvre la bouche, la foule le conspue. La masse devient un bloc de granite fermé à tout raisonnement.

Onfray regarde son public, triomphant, serein; Parayre descend de l’estrade, la queue basse, humilié, nié et renié.

 

Inélégances, petitesses, toute-puissance et censure. Le débat se meurt, veillent les censeurs.

 

Parayre

 

Comme me disait ma grand-mère: méfie-toi des gens bien, ce sont les pires !

 

Osez le bon sens !

YDM

 

 

1 Comment on "Onfray ou la censure en vrai"

  1. nomi | 13 juin 2014 at 11 h 42 min | Connectez-vous pour répondre

    salut,
    dommage d’argumenter sur le moment de faiblesse d’un individu … je pense que tu n’as jamais accompagné quelqu’un vers la mort. Sinon, tu saurais … Sa compagne est décédée un mois plus tard. Ca veut dire, que sur 10 ans de maladie, c’était vraiment la dernière ligne droite. Dans ces moments-là, ceux des derniers souffles d’un être aimé, d’un être cher, tu n’a évidemment aucune envie de l’abandonner pour aller te battre ! Le combat (contre la mort, la maladie, la perte, la fatalité) est déjà assez épuisant. Les arguments de Michel Onfray me semblent tout à fait humains, logiques, incontestables et sincères. La moindre des politesse aurait peut-être été de le prévenir et je pense qu’il ne serait pas venu.
    Je te souhaite de ne jamais vivres ces moments douloureux mêmes s’ils ramènent à l’essentiel.

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