France blanche, colère noire : l'anticommunautarisme de François Durpaire

L’anticommunautarisme, racisme des bien-pensants

 

Si l’on prend la définition que le dictionnaire propose de ce terme, le communautarisme serait derrière nous, lié à la première génération. Les anticommunautaristes dénoncent le contraire de ce qu’ils entendent stigmatiser : non le règne mais la fin des tribus. Les associations qui naissent aujourd’hui sont porteuses d’un projet républicain, qui réunit des personnes bien au-delà de leurs différences d’origine. Paradoxalement, ce qui est stigmatisé comme communautariste est bien la sortie de la communauté d’origine. Comme défaut d’intégration, la visibilité de l’intégration. Plus une communauté est conforme au modèle essentialiste proposé par les anticommunautaristes et moins elle est condamnée. Sont dits conformes à l’intégration républicaine la discrétion, le répli et la fermeture. Plutôt qu’une dérive communautariste, il y aurait bien aujourd’hui une dérive de la logique anticommunautariste, celle d’une incapacité à penser la diversité, celle d’une confusion entre unité politique et uniformité culturelle. L’idéologie anticommunautariste est devenue le chien de garde d’un ordre en guerre contre toute différence. Sous couvert d’indivisibilité et d’égalité, elle défend une vision racialement uniforme de la nation. Le propos de cet essai est précisément de faire un retour sur les définitions, afin de déconstruire cette rhétorique manipulatrice. Aujourd’hui, ce sont ceux qui sont victimes de racisme qui sont accusés de racialiser la société. Poussée jusqu’à l’absurde, cette logique conduit à affirmer que >. Ne pas être blanc, ce n’est pas nécessairement être communautariste. C’est en tout cas avoir sans cesse à prouver qu’on ne l’est pas. Seuls les anticommunautaristes autodésignés sont à même de décerner les brevets de républicanisme, comme la génération précédente délivrait les certificats de bonne intégration.

 

Les anticommunautaristes sont communautaristes

 

L’anticommunautarisme ne se contente pas de constater la diversité à l’oeuvre dans la société. Il en donne une image négative, construisant la figure de l’autre comme menaçante. L’idée de > est entourée d’un champ lexical destiné à inquiéter : >, >, >, >, >. L’anticommunautariste ne stigmatise pas tous les groupes. Il ne se pense pas soi-même comme groupe particulier, mais comme seul porteur de l’idéal universaliste. Les différences chez les autres sont seules >. Il y a, dans cette dénonciation sélective, une réalité inavouable, celle du caractère communautaire  du discours anticommunautariste. Les anticommunautaristes, dans leur dénonciation de la pensée anglo-saxonne, entretiennent la confusion entre multiculturalistes et communautariens. Ce contresens permet de traduire en français > par >, alors que le multiculturalisme se rapproche du modèle libéral, qui est précisément l’opposé du modèle communautarien. Le modèle communautarien est né en Amérique du Nord dans les années 1970 avec Michael Walzer, Machael Sandel et Charles Taylor. Il s’oppose au libéralisme – défini par John Rawls dans la Théorie de la justice en 1971 -, qui affirme la neutralité de l’espace civique assurant l’autonomie des individus, qui sont libres de leurs choix dans la limite du respect d’autrui. Les thèses libérales sont favorables au mouvement de défense des minorités. A l’inverse, les communautariens affirment l’importance de la culture et de l’histoire dans la formation de la communauté suprême, la nation. L’expression des différences peut menacer de dissolution la communauté nationale, vue comme enracinée et fermée. C’est donc bien au nom de ce communautarisme national, fondé sur une identité culturelle, que toute différence est stigmatisée comme communautariste. Dans cette perspective, la négritude, qui identifie des hommes au-delà de la communauté nationale, est perçue comme concurrentielle.

 

Pages 31 – 34

 

 

 

François Durpaire
France blanche, Colère noire
Ed. Odile Jacob

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