Marketing compassionnel : pourquoi la LICA est devenue la LICRA – Invention de l’antiracismosémitisme et lutter contre l’antisémitisme ?

C’est au début des années 1930, que le terme > s’impose dans le glossaire politique français. Il prend la place d’un qui semble entaché d’archaïsme, bien que ne remontant qu’à la fin du XIXe siècle, et qui surtout souffre d’une ambiguïté intrinsèque. Le vocable donne bien la réplique aux >, c’était son but, mais il fleure trop la compassion et la condescendance. Il a quelque chose d’humiliant, voire d’inacceptable pour les Juifs, lesquels auront plutôt tendance à désigner leurs alliés par des euphémismes valorisants : ce sont des hommes et des femmes de bonne volonté, des républicains intransigeants, des démocrates conséquents, des chrétiens généreux, des patriotes authentiques, etc.

 

> résout le problème. Le mot est de tonalité moderne et d’acception militante. Il est conforme aux normes oratoires d’une France qui ne discrimine pas entre ses fils et d’une République qui ne distingue pas entre ses citoyens : les Juifs peuvent donc prendre part à la lutte unitaire sans faire figure de groupe > ou de minorité protégée. La nouvelle terminologie antiraciste apaise les susceptibilités de toute une génération d’activistes juifs, elle est > avant la lettre. Elle s’applique par extension à toutes les formes d’antisémitisme, y compris à celles qui , comme le maurrassisme, ne relèvent pas directement du racisme. Elle présente en outre deux importants avantages opérationnels. Le premier est qu’elle s’oppose explicitement à un racisme allemand 

représentant, dans les années 1930, la forme la plus absolue et la plus paroxystique qu’aura jamais prise la haine des Juifs, : on pourra donc être antiraciste comme on sera anti-nazi ou antifasciste, et la lutte contre le racisme s’intégrera pleinement aux grands enjeux du moment. Le deuxième atout de l’antiracisme est qu’il permet d’élargir le combat à d’autres groupes que les Juifs, telles les populations arabes et noires de l’Empire français. La LICA n’ignore pas que la menace principale est en Europe et qu’elle ne concerne que les Juifs, mais elle juge bon de modifier son appellation et de devenir, en 1936, Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA). Elle restera > pour les militants, les sympathisants et le grand public.

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Un paradoxe français

Antiracistes dans la Collaboration, antisémites dans la Résistance

Simon Epstein

Ed. Albin Michel

 

 

 

 

Osez le bon sens !

YDM

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