Les manifestations des Chinois de Belleville, de Ya-Han Chuang

Pourquoi les Chinois de Paris se sont-ils mobilisés dans la rue à deux reprises ces dernières années ? Cet essai propose une étude de la communauté chinoise et de son évolution récente.

 

Dans de nombreux pays d’immigration, les migrants chinois sont souvent considérés comme une « minorité silencieuse » – une minorité qui s’adapte bien, mais dont la participation politique est faible. Si cette image est également présente en France, elle évolue depuis la manifestation du 20 juin 2010. Ce jour-là, pour la première fois dans l’histoire de la communauté chinoise de France, environ 20 000 Chinois de tout âge marchent dans le boulevard de la Villette en scandant le slogan : « Non à la violence, sécurité pour tous ». Paradoxalement, la manifestation se termine par des échauffourées avec la police que l’on pourrait qualifier de « mini-émeute ». Presque exactement un an après, le 19 juin 2011, une nouvelle manifestation est organisée par les représentants de la communauté chinoise de Belleville, entre République et Nation, le chemin classique des manifestations parisiennes. Cette fois, le mot d’ordre est « sécurité, un droit », et la manifestation s’achève en toute tranquillité. Les deux manifestations partagent plusieurs caractéristiques communes : toutes les deux sont des mobilisations ponctuelles faisant suite à des bagarres à Belleville entre des ressortissants chinois et d’autres populations ; toutes les deux revendiquent une augmentation des effectifs policiers et exigent que soit facilitée la procédure de dépôt de plainte pour les immigrés sans papiers ; les participants sont majoritairement immigrés chinois ou Français d’origine chinoise. Néanmoins, les deux manifestations se présentent et se déroulent de manière différente : en 2010, presque tous les slogans et banderoles étaient en chinois, les manifestants exprimaient une certaine fureur, et la manifestation s’est terminée violemment. En 2011, les slogans ont épousé les valeurs républicaines, l’ambiance était paisible, voire imprégnée par la fierté d’être un Chinois de France.

Certes, ce n’est pas la première fois que des groupes migrants manifestent pour dénoncer une discrimination ethno-raciale . Cependant, dans ce cas précis, c’est l’insécurité urbaine qui est dénoncée, tout en étant cadrée comme un problème ethnique dont les victimes sont uniquement des immigrés Chinois. À travers cette protestation, et ses évolutions au cours d’un an, on peut émettre l’hypothèse qu’on assiste là à un processus d’apprentissage politique par un groupe minoritaire. À partir d’une enquête ethnographique , il s’agit donc non pas de revenir sur la réalité de l’insécurité urbaine, mais bien de penser l’action collective comme une façon pour les Chinois de s’accommoder et de s’intégrer au modèle politique français.

 

 

 

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Ya-Han Chuang, publié le 15 juillet 2013

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