[Chronik d'un Nègre Inverti] "Ils ne connaissent pas la honte"

Massinissa Boumama est un travailleur du sexe et queer of color1 militant du STRASS. Ses intérêts politiques concernent la prostitution, les questions migratoires et le développement d’un activisme articulant sexualité et race en France. Auteur régulier du site Langues de putes, lieu d’expression politique de travailleuses et travailleurs du sexe, il relit fréquemment les articles parus sur Chronik d’un Nègre Inverti, et y apporte pas mal d’idées. Il  en devient désormais co-contributeur.

« Ils ne connaissent pas la honte »

Ce texte est une réponse à celui du président de l’association « Aux captifs de la libération » , intitulé « Loi anti prostitution une vraie chance de s’en sortir », et paru sur aleteia.org2. Conscient d’une critique trop souvent émise à l’encontre des militant.e.s travailleurs/ses du sexe ayant accès à la parole publique, précisons d’emblée quelques points : je suis travailleur du sexe exerçant dans la rue. Je tapine depuis très jeune (demandez à vos militant.e.s à quel âge ils ont rencontré Massi pour la première fois), je suis migrant algérien, séropositif, et pédé. Evitez donc, à la lecture de ce texte, et pour le critiquer ensuite, les arguments tels que « il ne connaît pas la réalité du milieu », « il ne peut pas prendre du recul sur sa situation car il la vit au quotidien », « il ment car il est maqué», « il n’a pas pu écrire ce texte, cela vient sûrement d’un-e bourgeoise du STRASS ». Ou alors, préféreriez-vous utiliser la dernière carte qui vous reste – « c’est un homme ! » – malgré tout ce qui prouve que la vie que j’ai, n’a rien à voir avec la vôtre, celle de Patric Jean, ou de…Najat Vallaud-Belkacem, et autres femmes abolitionnistes aisées.

Afin, de répondre à votre texte, je contextualiserai mon propos en expliquant mon rapport et avec votre association (I). J’aborderai ensuite la question du choix et les déni des inégalités socio-économiques dont votre propos fait preuve (II), ainsi que l’hypocrite débat sur la représentativité des travailleurs et travailleuses du sexe militant-e-s auquel vous prenez part (III). Enfin, il s’agira de montrer les limites des réinsertions et régularisations que vous vantez en toute ignorance des réalités du contexte migratoire restrictif en France (IV).

I. Mon rapport avec cette assosiation

L’association « Aux captifs la libération » se rend toutes les semaines, au moins une fois, dans le quartier de Porte dauphine. L’équipe est généralement constituée de bénévoles, d’un psychologue ou d’une éducatrice salarié.e.s de l’association. Vos tournées se font le plus souvent à bord d’une camionnette en milieu soirée. Vous parcourez les secteurs de porte dauphine, ainsi que deux ou trois routes fréquentées par des travailleurs et des travailleuses du sexe du bois de Boulogne.

Vos tournées en camionnette avec celles d’associations tel le PASST et le Bus des Femmes, ponctuent nos nuitées de travail : ce sont des moments conviviaux où nous pouvons nous retrouver au chaud entre collègues et bénévoles (qui deviennent parfois des ami.e.s), ainsi que se voir offrir une boisson chaude et du matériel de prévention indispensable à la pratique de notre travail.

Vous possédez également un local très spacieux non loin du métro Victor Hugo, où vous accueillez les personnes sans-domiciles-fixes que vous rencontrez lors de vos tournées dans le quartier. Dans ce local il est possible de se doucher, de prendre un repas collectif, d’avoir à sa disposition des postes informatiques, de discuter avec des bénévoles, et de se voir aider dans ses projets de « réinsertion »

Alors que je ne considérais pas votre association comme abolitionniste, je découvre avec votre texte que je me suis regretablement trompé. Vos propos pro –abolitionistes, votre diatribe concernant les militant.e.s du STRASS, et votre méconnaissance, si ce n’est votre mépris, des conditions et des problèmes auxquels sont confronté.e.s les travailleuses et les travailleurs du sexe exerçant dans la rue, me font complètement changer d’avis concernant le statut d’allié.e.s que je pouvais prêter autrefois à votre association, à ces salarié.e.s et à ces bénévoles. Fort heureusement, je crois savoir qu’ils/elles ne pensent pas tou.te.s comme vous.

II. La question du choix et le déni des inégalités socio-économiques

« Parmi les personnes prostituées que nous rencontrons, seules cinq à dix pour cent affirment faire ce métier par choix »

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Osez le bon sens !

YDM

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