Le mot « démocratie » est si populaire que toutes les forces politiques s’en réclament. Quelle surprise, alors, de constater que les « pères fondateurs » des « démocraties modernes » associaient cette idée au chaos, à la violence et à la tyrannie des pauvres ! Comment expliquer un tel revirement de sens ?
En plongeant dans les discours du passé aux États-Unis et en France, l’auteur dévoile une étonnante aventure politique, où s’affrontent des personnalités et des forces sociales qui cherchent à contrôler les institutions des régimes fondés à la fin du xviiie siècle. S’appuyant sur divers pamphlets, manifestes, déclarations publiques, articles de journaux et lettres personnelles, ce récit révèle une manipulation politique par les élites, qui ont petit à petit récupéré le terme « démocratie » afin de séduire les masses.
Un entretien très éclairant sur les travaux de Mr Dupuis-Déri.
Néanmoins, plusieurs sources de l’époque révèlent sans ambiguïté aucune que les pères fondateurs des États-Unis modernes étaient conscients et convaincus que leur société était divisée en classes sociales. De plus, ils croyaient que les riches doivent être responsables des affaires politiques, alors que la “démocratie” était associée soit au régime où les pauvres gouvernent, soit à la classe des pauvres elle-même (comme l’aristocratie peut à la fois désigner un régime politique et une classe sociale, la noblesse). Le 18 juin 1787, Alexander Hamilton prononce un discours à la Convention de Philadelphie qui exprime très bien cet état d’esprit :
“Toutes les communautés se divisent entre les peu nombreux et les nombreux. Les premiers sont les riches et les biens nés, les autres la masse du peuple. La voix du Peuple est dite être la voix de Dieu ; et même si cette maxime a été si souvent citée et crue, elle est fausse en réalité. Le peuple est turbulent et changeant ; il ne juge et ne reconnaît le juste que rarement. Il faut donc donner à la première classe une part distincte et permanente dans le gouvernement. Les riches et les biens nés vont contrôler l’instabilité des seconds, et comme ils ne peuvent obtenir un quelconque avantage d’un changement, ils vont donc nécessairement toujours maintenir un bon gouvernement. Est-ce qu’une assemblée démocratique, qui annuellement se déroule dans la masse du peuple, peut supposément être stable dans sa poursuite du bien commun ? Rien d’autre qu’un corps permanent peut freiner l’impudence de la démocratie. Cette disposition turbulente et hors contrôle requiert des contrôles”.
Démocratie. Histoire politique d’un mot aux États-Unis et en France
Dupuis-Déri, Francis, Ed. Lux, 2013
Doctorat en science politique
University of British Columbia
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YDM
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