[Slate] 5 arguments contre le redoublement

Monique Dagnaud, Sociologue, directrice de recherche au CNRS, auteure notamment de La Teuf, essai sur le désordre des générations (Le Seuil, 2008), de Martin Hirsch, le parti des pauvres, histoire politique du RSA (Ed de l’Aube, 2009) et Génération Y – Les jeunes et les réseaux sociaux, de la dérision à la subversion (Presses de Sciences PO).

Le redoublement, une des particularités du système scolaire français, aurait du plomb dans l’aile. François Hollande veut en limiter le nombre. Perspective évasive, dans dix ans on appréciera ce qu’il en est. Depuis quelques années, l’Education nationale aussi recommande d’éviter cette décision. Les raisons de ce sursaut sont diverses, mais au fond qui veut vraiment supprimer le redoublement?

Combien sont-ils ces malheureux, recensés comme autant de brebis qui n’ont pas suivi le troupeau scolaire défini par leur année de naissance? Une des bizarreries des statistiques de la rue de Grenelle, c’est de comptabiliser et d’ausculter à l’envi ces élèves «qui ne sont pas à l’heure» dans leur cursus scolaire. Etre dans la norme d’âge est une obsession française, surtout si vous êtes en retard.

Il faut être non seulement à l’heure, mais en avance!

En effet, les autres, les happy few qui sont en avance, suscitent peu de réflexions: ils doivent aller merveilleusement bien. Pour preuve, les élèves qui arrivent au bac à moins de 18 ans connaissent un meilleur taux de réussite à l’examen que ceux simplement à l’heure ou en retard! Autrement dit: vous êtes en avance et vous êtes potentiellement «un haut potentiel» de la société.

En 2011, le taux d’élèves en retard à l’entrée de la 6e est de 12, 1% —sans surprise, cette fatalité touche davantage les enfants d’ouvriers (15% pour les filles et 18% pour les garçons), que les enfants de cadres (2,5% pour les filles et 4,3% pour les garçons). Le taux de redoublement en seconde générale est de 9,5%. Au total, 61,2% des élèves d’une classe d’âge atteignent la terminale à l’âge de 18 ans ou moins dans l’année.

Très massif avant les années 1995, le redoublement, sans toutefois disparaître, est devenu progressivement moins fréquent, et à connu une diminution après 2005 –cette année-là le taux d’élèves en retard à l’entrée de la 6e était encore de 17,2%. L’annonce de François Hollande ne fait donc que confirmer une tendance déjà bien engagée. 5 arguments contre le redoublement

Pourquoi ce désamour pour le redoublement? Les statisticiens, panoplie de chiffres à l’appui, ont mis en évidence son caractère injuste et inefficace.

Cinq arguments démolissent la pertinence du redoublement (1):

1. il paraît inéquitable: les mauvaises notations qui aboutissent à la décision de redoublement comportent une part d’arbitraire, car chaque enseignant construit une dispersion de notes en fonction de la perception qu’il se fait de sa classe.

Lorsqu’on passe à un classement plus standardisé, certains élèves jugés comme «faibles» dans un établissement donné seront jugés simplement comme moyens dans un autre établissement où ils n’auraient aucune raison de redoubler. Ironie des classements: redoubler au lycée Montaigne à Paris n’a pas du tout la même signification que de redoubler au lycée de Gennevilliers (par exemple).

Parallèlement, les conseils de classe cherchent à éviter d’aggraver le cas des élèves déjà redoublants: pour un carnet de notes identique, un élève ayant déjà redoublé aura donc moins de chance de redoubler qu’un élève «à l’heure».

2. Le redoublement ne favorise pas, en moyenne, les acquisitions de l’élève qui progresse moins que son analogue faible mais passé dans la classe supérieure.

3. le redoublement amplifie les écarts entre les enfants: en effet, les élèves en retard sont peu nombreux à dépasser le niveau moyen de leurs camarades.

4. Les classements internationaux montrent que les pays adeptes de la promotion automatique d’une année sur l’autre, comme le Royaume-Uni et les pays scandinaves, arrivent en tête des palmarès et la dispersion de leurs résultats n’est pas plus accentuée qu’ailleurs.

5. Le redoublement est un facteur de démotivation de l’élève et de stigmatisation à son encontre.

 

Qui décide du redoublement?

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