Le rap français et son organisation 2/3

Dans ce deuxième volet consacré au rap, il s’agit pour moi d’apporter quelques pistes de réflexion pour un meilleur épanouissement et une reconnaissance de ce genre musical.

Peser pour compter : se structurer

Certains rappeurs se plaignent de ne pas avoir l’écho médiatique dont ils sont en droit de réclamer auprès des différents médias. Ils attendent et font contre mauvaise fortune bon cœur.

C’est désolant d’apprendre qu’un pilier comme Oxmo Puccino est obligé d’aller aux Victoires de la musique pour chanter devant le grand public et faire connaître la finesse de sa poésie. Au vu de sa carrière, il ne devrait tremper ses pieds que dans un marécage où baigne les plus gros poissons de la variété française. Il salit sa qualité en chantant auprès des C2C, Tal, Camille, Skip the use et autres fanfreluches ramenés par containers entiers des États-Unis.

L’on a toujours l’impression que les rappeurs sont des invités de dernière minute, des intrus, des miséreux à qui l’on accorde humanitairement la parole, des usurpateurs.

Une fois de plus, comme a dit un fameux quelqu’un à qui Dieu a donné du talent et qu’il est de mauvais ton de citer :

On n’a pas besoin de se reconnaître dans des religions qui ne nous appartiennent pas. Que chacun se fabrique sa religion.

C’est au milieu du rap de s’organiser pour exister et non se contenter des ersatz de libertés de création que leurs accordent leurs maisons de disques avec leurs labels qui n’ont de labels que le nom.

S’organiser passe nécessairement par :

La création d’une association ou d’une entité ayant pour but de promouvoir le rap et de protéger les intérêts des rappeurs et de la culture rap.

Concrètement, tous les artistes qui se réclament rappeurs devront souscrire une cotisation annuelle pour faire partie de cette association et donner un pourcentage fixe de chacun de leurs disques vendus à cette association qui pourra s’en servir pour atteindre ses objectifs déclarés :

Créer des studios d’enregistrement de qualité à travers le territoire pour faciliter le travail de leurs artistes

Former des techniciens, des marketeurs, de vrais connaisseurs du hip hop et faire des rappeurs des musiciens.

Acheter des salles ou des hangars pour en faire des salles de spectacles dédiés au rap à travers le territoire national et en Europe francophone (ce qui permettra à terme à chaque artiste qui sort son album de pouvoir avoir un matelas de dates sûres pour des concerts et la promotion de son album et la rencontre avec son public)

Créer une branche de défense juridique des rappeurs membres

Lancer des radios voire une télévision ou des journaux dédiés au rap et la culture hip hop afin de capter et de fidéliser l’audience rap et de piloter de manière plus professionnelle et respectable la relation avec les fans.

Organiser des concours de détection et d’écriture pour détecter ou faire éclore des vocations et de futurs talents. Dans ce cadre d’ailleurs, les victoires du rap français pourrait ainsi avoir toutes leurs places et on y saluera tous les corps de métiers qui concourent à la création des albums et les artistes les plus méritants de l’année.

Faire connaître les artistes et le rap français dans le monde: un circuit africain mieux organisé, même s’il s’avère à priori peu rentable (à vérifier tout de même car un 1 million de FCFA fait tout de même 1500€ et des concerts dans des stades remplis avec la location de techniciens locaux permettraient à des artistes d’avoir des tournées internationales, et de faire du soft power en attendant que les choses s’améliorent là-bas) pourrait ainsi offrir une audience plus mondiale, plus maîtrisée et permettre à tout le milieu de se professionnaliser; des artistes aux chauffeurs de salles en passant par des vocalistes.

Lutter contre la piraterie car il faut respecter le travail des artistes et faire monter le chiffre d’affaires du business du rap pour avoir plus de retombées pour l’association.

Assurer quelques dates et représentations pour des vieux rappeurs, voire une petite rente (avec les bénéfices) pour services rendus au rap.

Avec une association des rappeurs francophones, tous les intervenants du milieu musical aura un intermédiaire sûr avec lequel discuter et sauront mieux respecter leurs artistes. Et de toute façon, à l’ère du numérique, la place prépondérante des majors est disputée et si les responsables de cette entité s’y  prennent bien, ils auront le la car ils auront le contenu; les artistes.

Et avec l’argent généré par une industrie cohérente, structurée, si ces majors s’entêtent, nul besoin à l’avenir de passer même par elles pour vendre des disques et surtout, faire tourner les artistes. Ils auront le cadre, les studios, les tournées, les médias, les radios, la télévision et les audiences qui vont avec.

L’on ne peut s’asseoir au bord de la route et regarder le train passer en se lamentant sur son sort et le manque de respect des décideurs. Voir des artistes majeurs du rap faire la queue (et se la prendre, ai-je oui-dire), édulcorer leurs discours, baisser la tête face à des types qui ne connaissent rien au hip hop pour passer uniquement dans des radios dites spécialisées et épisodiquement à la télévision pour leur promo est juste à gerber.

Fédérés dans un ensemble plus compact avec un objectif plus global et moins clanique, permettrait in fine, de se faire respecter et de vivre et faire vivre tout un écosystème, qui actuellement fait davantage dans l’artisanat que l’industrie.

Jay-z et les autres rappeurs producteurs américains  sont des exemples emblématiques de cette indépendance et de ce contrôle de sa création. Car, au fond, c’est d’abord aux artistes de bénéficier du fruit de leur travail et d’être pris au sérieux, respectés et salués pour cela.

La Motown est la matrice de cette liberté à arracher aux USA et il n’est nul besoin de milliards et de génuflexions éternelles pour arriver dans 5 ans à s’affranchir du diktat de pseudo-pontes de l’industrie musicale qui, à défaut de vous cracher dessus, vous pillent, vous méprisent et vous le font savoir. Des nerfs et des couilles, messieurs ! Redressez-vous !
Osez le bon sens !

YDM

Be the first to comment on "Le rap français et son organisation 2/3"

Leave a comment