Décolonisez l’Afrique ! de Bernard Lugan

Comme à notre habitude, nous tenons à rappeler que nous avons contacté Bernard Lugan pour discuter de sa production intellectuelle et que ce dernier, probablement très occupé par les nombreux entretiens et interviews qu’il accorde actuellement, n’a pas donné suite ni à nos mails, ni à nos relances.

 

 

Décolonisez l’Afrique !

 

 

D’abord, sur la forme, c’est écrit en caractères très gros pour 188 pages. A vue de nez, normalement, cela ferait largement moins de 100 pages, cartes et bibliographie comprises. A 16€. Pour le contenu livré, je trouve que c’est très cher payé.

 

BLla

Mr Lugan, voici donc les différentes questions et constatations que j’ai dressées de votre ouvrage.

 

Chapitre 1: Le demi-siècle perdu des fausses indépendances (1960-2010)

les émeutes de la faim qui ont enflammé l’Algérie au début du mois de janvier 2011 sont annonciatrices d’inévitables catastrophes, l’Afrique, tant au nord qu’au sud du Sahara n’étant plus en mesure de nourrir une population à la croissance devenue suicidaire. Il suffirait ainsi que plusieurs mauvaises récoltes se succèdent dans les pays producteurs et exportateurs de céréales pour que le continent connaisse un phénomène de famine à grande échelle. La catastrophe a été frôlée en 2009 avec la baisse de la production russe due aux aléas climatiques ; heureusement, les pluies furent bonnes en Afrique où, quasiment partout, les productions furent excédentaires. Mais, ce ne fut qu’un répit. Page 8

La croissance de la population africaine serait suicidaire. Cela nous rappelle ces analystes qui, il y’a quelques années encore, nous disaient avec le plus grand sérieux, que le SIDA décimerait la moitié de la population africaine; le paludisme, l’autre moitié.

Il suffirait d’une succession de mauvaises récoltes pour que le suicide se réalise. Il suffirait qu’il n’ait plus d’abeilles sur terre pendant 5 ans pour qu’elle cesse d’exister. Et puis quoi encore ? Soyons sérieux, c’est une blague écolo et non une argumentation. D’abord, il faut être précis. S’il y’a eu des émeutes, c’est surtout à cause des spéculateurs, des banques et du système financier qui a planqué les matières premières et qui les a stockées pour faire monter les prix. La situation climatique était connue et anticipée. Et vous le savez très bien. Vous faites semblant de l’ignorer pour faire porter le chapeau à la démographie galopante. Les prévisions météorologiques sont connues plusieurs campagnes de récoltes par tous les acteurs du marché et les grands groupes achètent leurs productions plusieurs mois en avance, voire plusieurs années. Donc, les stocks existent et les marchés financiers ont profité de la baisse des productions de blé pour créer une raréfaction et augmenter les cours. Vous accentuez le phénomène avec la crise financière et vous obtenez les émeutes de la faim. Les émeutes en Afrique et dans le monde sont donc dues aux marchés financiers.

Nous faisons d’ailleurs partie de ceux qui croient exactement le contraire sur la hausse de la population en Afrique. L’Afrique a longtemps été sous-peuplée et effectue un rattrapage naturel. Les terres africaines ont besoin d’africains, de millions d’africains. Les guerres passées et les situations d’instabilité géopolitique ont laissé de vastes territoires inoccupés. Pour exemple, un pays comme la Centrafrique compte 5 millions d’habitants pour 622 984 km². Le Cameroun, 475 442 km² pour 20 millions d’habitants. Les exemples sont multiples et même le géant nigérian peut se permettre sa population au vu de son sous-sol et de son dynamisme économique.

Les seuls à subir drastiquement les aléas de la nature sont les pays pauvres proches du Sahel, aux revenus faibles comme le Niger ou le Mali. Mais ces pays sont peu nombreux et leur situation est encore plus difficile car ils sont aussi en proie à d’autres conflits, sources d’instabilité. La famine en Somalie est entretenue par des potentats locaux (La Somalie n’étant plus un pays depuis que les GI y ont vu Al-Qaïda).

Donc, oui famine il existe en Afrique, oui elle pourrait s’accentuer si la gestion des pays est toujours aussi frauduleuse, mais de là à crier au suicide par le nombre, c’est une bien douce pleurnicherie. En réalité, l’Afrique a largement les moyens de nourrir plus d’un milliard de personnes. Encore faudrait-il qu’elle ne soit pas infestée de firmes internationales et occidentales, qui la pillent sans vergogne avec la complicité des préfets qui nous servent de présidents. Mais nous y reviendrons plus tard.

Sur l’exode rurale, il est assez facile de s’asseoir dans son salon à Paris et d’ergoter sur ces migrations internes, créatrices de citadins improductifs, sans jamais parler des surproductions de produits agricoles européens et américains déversées allégrement sur les marchés africains à vils prix, et qui ruinent la capacité de production et de rentabilité des industries locales. Cette hémiplégie dans le jugement se retrouve dans presque tous vos arguments.

Sur les pauvres immigrés quittant l’Afrique pour aller se restaurer dans les pays développés, il faut tempérer vos affirmations. Toute personne un temps soit peu réaliste, sait pertinemment que la plupart des immigrés sont issus des familles de classes moyennes voire aisées. En tout cas, en ce qui concerne l’immigration officielle. Si vous avez du mal à vous offrir un bol de bouillie à Yaoundé, je doute fort que vous puissiez vous payer un billet d’avion pour Paris. C’est du bon sens. Qu’il soit regrettable que l’élite africaine migre pour se réaliser est un problème important; de là à laisser croire que n’importe quel quidam sorti de son village immigrera tranquillement en Europe est pur fantasme.

Sur les lamentations ayant trait à la manne pétrolière, qui ne profiterait pas aux populations locales, ne feignez pas de découvrir la lune. La situation dans les pays du Proche-Orient n’est pas plus enviable. Certes, leurs ressources sont bien plus considérables et ils disposent d’une classe moyenne (L’Afrique dispose de 8% des ressources pétrolifères au monde). Mais, si le destin du Gabon est d’avoir des émirs gabonais qui viennent gaspiller les moindres CFA engrangés grâce au pétrole, place Vendôme, alors, je préfère encore qu’ils crèvent pauvres à Libreville. Le pétrole n’a jamais profité aux populations locales et le seul africain qui a tenté de redistribuer la manne à son peuple a fini dernièrement lynché par ces derniers au cri de démocratie.

Que nous ayons élu des usuriers pour nous gouverner est de notre responsabilité. Les conflits, les guerres, la corruption et tous les fléaux qui minent notre développement sont de notre responsabilité. Nous en sommes conscients. Simplement, notre génération n’a certainement plus rien à voir avec les vôtres. La vérité est que l’Afrique a dû essayée de combler le fossé économique en 50 ans. Contrairement à vous, nous pensons que nous nous sommes débrouillés avec les moyens que nous avons eu. Il a fallu ériger des dirigeants, organiser les pays, gérer les conflits obligatoires au vu des héritages de cartographies occidentales, faire émerger une classe moyenne, un personnel politique, économique et intellectuel minimum en 50 ans. Le chemin parcouru n’est pas fameux, c’est sûr ! Mais nous n’avons pas à en avoir honte. L’Europe a mis 200 ans après la révolution industrielle pour arriver à ce stade de développement. Et jusqu’à preuve du contraire, le servage n’était pas vu de l’esprit. Le capitalisme africain est certes très mercantile, mais il y’a des avancées considérables. Et s’il fallait passer par du sang, des famines et des maladies, nous y sommes passés. Comme tout le monde. Alors, nous n’avons à subir aucun complexe par rapport à notre situation de développement car la marge était immense.

Pour les échanges internationaux, il n’est pas de l’intérêt de l’Afrique de vouloir se lancer bêtement dans les brevets internationaux, les technologies et autres économies de confort et d’oisiveté. Notre réalité est différente et cela ne sert à rien d’aller compétir sur des terres saturées. L’agriculture, les matières premières et les industries agro-alimentaires sont les axes de notre essor. Nous n’avons pas vocation à confectionner des tee-shirts à bas prix pour le marché international, à devenir des maquilladoras de l’Europe. Les nanotechnologies et toute l’inflation technologique ne remplaceront pas des patates.

A 9 milliards sur terre, avec des sols souillés par l’hyper-production occidentale, l’Afrique et l’Amérique du Sud, demeurent les seuls territoires où l’on puisse encore produire massivement et qualitativement pour la planète. Alors que nous ne déposions pas de brevets ou que nous participions de manière assez insignifiante au commerce international n’est pas si insupportable. Nous, nous avons le vent dans le dos, nous avançons.

La jeunesse africaine n’est pas dupe de ses dirigeants et la diaspora encore moins. Je ne citerai pas Kemi Seba qui est l’expression la plus vivace de cette prise de conscience du retour aux sources. Le mouvement est enclenché et la dynamique aujourd’hui sur la planète est asiatique et africaine. Les choses ont besoin de temps pour se faire. L’on nous a longtemps reproché notre sous-développement pour une fois de plus nous complexer, nous infantiliser, nous laisser croire que nous avions besoin d’aides et du FMI. Nous ne renions rien. Fallait passer par là. Nous avons appris durement. Mais nous avons appris.

Donc, ne vous faites pas de bile pour les africains, ils sont assez grands pour décider de leurs destins. Et en faisant un peu de prospective, ne vous en faites pas pour le retour en Afrique. Il se fera assez naturellement car tous ces enfants d’immigrés savent bien où est leur place et le moment venu, ils sauront où se trouve leurs intérêts. Croyez-le ou non, le reflux se fera car l’économie l’imposera. Comme d’habitude.

En ce qui concerne vos raisons pour expliquer le blocage de la situation africaine, je réagis juste sur le point portant sur l’incompatibilité de culture avérée pour cause de noyade des africains sous les aides et subventions. Ces méthodes auraient marché en Asie et ailleurs. Ce n’est pas spécialement parce que je cherche une quelconque compatibilité avec qui que ce soit, mais il serait intéressant, Mr Lugan, de nous montrer un pays asiatique développé aujourd’hui, qui a été noyé par des aides et des subventions. Ce sera une grande première de savoir qu’il est possible de développer un pays avec des aides, sous peu qu’il soit compatible culturellement avec l’Occident.

 

 

Pour la démocratie et FMI, même la gauche la plus caviar serait entièrement d’accord avec ces observations.

 

 

Chapitre 2 : Libérez l’Afrique des aides qui l’infantilisent

Mais avant de la libérer de ces aides, il serait bien, chers africains, d’écouter les préceptes du sage blanc Lugan qui sait très bien ce qui est bien pour vous sortir de l’infantilisation. Puisque vous ne l’avez pas encore compris.

 

Mr Lugan, vous vous doutez bien que vous êtes pas le seul à avoir fait ce constat et que les africains, même les plus vendus, n’ont pas attendus vos lumières pour arriver au même constat.

 

A ce chapitre, j’ai d’abord ri. Vous faites tout un catalogue d’aides diverses et variées versées par les nations développées en Afrique, à fonds perdus. Soit. Je ne conteste pas les chiffres. Mais enfin, où avez-vous déjà vu un pays se développer grâce à des aides ?

 

 

Et puis, en parlant d’aides et de FMI, vous parlez des mêmes aides qui ont permis à la Grèce de brader le Parthénon et le port d’Athènes, d’ouvrir son marché à tout-va et d’accepter malgré le sursaut de dignité de Papadopoulos, les plans de restructurations ? Ou vous parlez des cohortes d’ONG et organisations en tous genres, pièges à cons occidentaux, qui font vivre leurs consultants au prétexte de solidarité et de lutte contre la pauvreté ? Ou bien des aides accordées pour les constructions d’infrastructures à condition qu’elles soient exécutées par des firmes internationales ? Ou bien des aides accordées en contrepartie de concessions minières et autres exploitations bradées ? Nous parlons de quelles aides ? Des aides qu’on appelle aides mais que l’on rembourse avec des intérêts ? Des prêts à des taux prohibitifs à des pays acculés, certainement pourvus de triple D, qu’on réévalue tous les 2 ans dans les antichambres de Bruxelles, de New York et de la City ? Des aides dont on paie encore les intérêts vingt ans après ? Des aides de la Françafrique, avec des rétrocommissions et des comptes bancaires de ministres africains archi-blindés en Suisse ? Vous nous parlez de quelles aides, Mr Lugan ?

 

 

Votre vision de l’homme africain est assez hallucinante. Vous avez réussi à tirer des lignes de force assez englobantes, générales pour définir le comportement de l’homme africain. Il est lié à un groupe auquel il est indissociablement lié (puisque l’homme européen ou asiatique, lui, n’est lié à aucun groupe auquel il soit indissociablement lié), ne vit que dans le présent (c’est la raison pour laquelle il ne fait pas d’enfant, c’est connu !), doit concilier les forces hostiles avec les rites et les danses (c’est bien connu qu’à part les africains, aucun autre peuple au monde n’a de rites ni de danses pour conjurer le sort) et ne doit pas trahir ses ancêtres et ses coutumes (c’est aussi bien connu, si l’on fait des lois pour rappeler le passé chrétien de la France, c’est pour trahir ses ancêtres et ses coutumes).

 

Tout comme les européens adorent les humbles et les faibles (la civilisation occidentale repose à la fois sur le dépassement et le libre examen, parfois sur la sainteté qui , dans la religion chrétienne peut prendre la forme extérieure de la chasteté, de la pauvreté, de l’humilité, concepts insolites et même traumatisants pour des sociétés africaines qui adulent le fort. page 44) et personne au monde à part les africains ne voient en la polygamie, une preuve de puissance génésique et dans la richesse la possibilité d’entretenir une nombreuse clientèle; dans le faste et le paraître, de quoi imposer le respect. Personne.

 

Je ne traiterai pas votre analyse de raciste, mais plutôt de ridicule. Plus sérieusement, de datée. Votre analyse de l’homme africain est simplement datée. Vous nous citez les propos de Georges Balandier qui datent de 57. Soyons sérieux ! 1957. A cette époque, on trouvait encore de nombreuses personnes qui parlaient couramment allemand dans les villages camerounais !

Allez aujourd’hui dans un village vous enquérir de la situation du missionnaire, l’empêcheur de danser, et vous serez étonné de l’aura de ce dernier. La vérité est qu’aujourd’hui, la religion chrétienne avec tous ses artéfacts sont l’un des fléaux majeurs de l’Afrique. Toutes ces églises qui gangrènent l’Afrique et prospèrent sur la misère causent bien plus de traumatismes et de retards d’émancipation. Pour la différence, il est évident que nous sommes différents par la peau, l’histoire et la culture.

 

Le destin d’un noir n’a jamais été d’être blanc. Et si c’était le projet de certains blancs de gauche et des lumières que vous citez (Voltaire, Ferry and Co…) pour se donner bonne conscience dans leur exploitation, ils se sont trompés lamentablement. Et cela est un débat interne à la gauche qui ne nous concerne pas.

 

 

 

Chapitre 3: Libérez l’Afrique du paradigme de la culpabilité européenne qui la déresponsabilise

 

Au-delà de vos sources assez limitées (Pétré-grenouilleau, Botté, Renault et Daget,) et de vos sentences (vous avez réglé tellement de cas scientifiquement), je dirais que l’argumentation est encore parcellaire donc, biaisée.

Sur l’esclavage, pour information, nous au Cameroun pour être précis, nous sommes au courant de la collaboration des nôtres, parfois très active, dès le CM2. La traite négrière est un pan important de nos programmes d’histoire et croyez-le ou non, nous la connaissons dès le plus bas-âge et nous la connaissons très bien.

Nous n’avons donc pas attendu Pépé-Grenouilleau en 2004 pour être sensibilisés à cet état de fait. Par contre, vos enfants, vos congénères, vos confrères et vos élites ne la connaissent pas ou très mal. Alors, le problème ne vient pas de nous, africains. Mais de vos élites, de vos savants, qui ont des faiblesses historiques crasses sur la colonisation. N’enseignez pas cette histoire et étonnez-vous que d’autres en profitent pour culpabiliser et victimiser. Faut savoir ce qu’on veut.

Ensuite, votre démonstration est facilement retournable et fausse. Si les européens n’étaient pas actifs dans les phases de la capture, puis de l’acheminement des esclaves vers la côte, cela ne remet aucunement en question leur rôle primordial dans ce trafic. C’est exactement comme si vous nous disiez que les banques et les marchés financiers ne sont absolument pas actifs dans la déroute économique actuelle car aucun banquier n’est allé dans les usines pour mettre les ouvriers à la porte et délocaliser en Chine. Ce sont les méchants chefs d’entreprise qui délocalisent pour faire plus de profits. Les financiers ? Leur rôle est très secondaire, très limité.

 

 

Vous poursuivez très sentencieux (la traite des esclaves fut donc d’abord une opération interafricaine page 52) sur votre lancée avec des citations d’Hugh Thomas affirmant que des rois africains se sont enrichis grâce à la traite négrière. Belle révélation ! Vous ne démontrez rien !

Que l’esclavage ait existé avant est vraie, et personne ne le renie. Les arabes n’étaient pas des enfants de chœur en Afrique noire, c’est vrai aussi et personne ne le renie. Que les blancs aient eu une participation très limitée dans ce commerce parce qu’ils n’allaient pas dans les terres intérieures est vraie pour la première partie (ils n’allaient pas à l’intérieur des terres) et simplement ridicule pour la responsabilité atténuée. Mais je n’épiloguerai pas dessus parce que cela pourrait laisser croire que je suis pour des excuses éternelles, la repentance et tout le folklore. Ce n’est pas parce que vous essayez de défendre les vôtres que vous devez minimiser leurs actions.

 

Les démonstrations sur la part infirme de ce commerce dans le commerce de l’Angleterre et la France sont du même acabit. Combien coûte l’importation du pétrole à la France ? Quel est le produit tiré de l’exploitation de tout ce pétrole ? Est-il significatif ? Le pétrole représente quel tonnage de toute la flotte commerciale ? Et si vous n’aviez pas le pétrole, qu’auriez-vous développé ? Combien cela vous aurait-il coûté ? Bref, quel a été l’impact du pétrole dans le développement industriel ? Diriez-vous que son coût soit insignifiant dans les transactions globales ? Moi, je dirai que oui. Et vous ?

 

Pour la rentabilité du commerce en Angleterre, c’est encore parcellaire. Votre référence tient des comptes de sociétés maritimes et à partir de là, décrète moins de 2% de rentabilité du commerce des esclaves.

 

4 éléments de contre simples pour se marrer :

– Vos ancêtres n’étaient pas idiots, je pense. Il faudrait m’expliquer pourquoi ils s’acharnaient bêtement à risquer des maladies, des voyages périlleux, des avaries, des morts atroces pour 2 % de bénef ?

– Juger d’un commerce en limitant son champ de vision au transporteur est assez biaisé. C’est comme si vous disiez que la vente des fruits ne rapporte pas assez à la grande distribution parce que le camionneur n’a qu’une marge de moins de 2 %.

– Ce commerce est triangulaire. Donc, dans sa belle démo, il oublie juste de nous dire que ces esclaves ne venaient pas travailler à Liverpool ou au Mans, mais dans les champs de coton américains. A partir de là, l’on peut vraiment tenir les comptes de leur impact sur le développement des productions agricoles et notamment du coton. Coton qui était réexporté en Europe pour servir l’industrie textile.

– Et puisqu’on parle de comptabilité, était-il de leur intérêt d’établir qu’ils se faisaient des co****** en or avec ce commerce dans leurs livres ? Marchands d’esclaves qui d’ailleurs échangeaient des produits manufacturiers (miroirs, pacotilles et quincailleries diverses, tissus, …) contre des esclaves. Pas des francs ou des guinées. Serait-il possible d’envisager qu’ils aient un peu grugé le fisc d’antan pour payer moins d’impôts ?

 

Pour la question que vous posez sur la révolution industrielle française tardive; nous y répondons aussi avec une question : pourquoi la révolution numérique est-elle tardive en France alors qu’en Angleterre et dans les pays anglo-saxons, le numérique tient une place de plus en plus significative dans l’enseignement et l’éducation ?

La révolution industrielle a eu lieu au nord des Amériques pour les mêmes raisons. Ceux qui ont dit non à l’esclavage sont obligés de trouver un substitut; ils sont donc beaucoup plus enclins à rechercher et à expérimenter des méthodes alternatives. Pourquoi voulez-vous que les marchands de pétrole soient les premiers à faire évoluer leur industrie vers des énergies nouvelles ? Cela s’appelle la rente. Et dernièrement, Free a causé un séisme dans le monde de la téléphonie. Sinon, pourquoi auraient-ils cesser de s’entendre ?

 

Pour les affirmations de feu Jacques Marseille, je les commenterais à la fin de la lecture de son livre. Je dirais simplement que si l’on suit son raisonnement, les États-Unis ne bénéficient pas du libéralisme; ce sont les entreprises américaines. D’ailleurs, ils sont dans un état économique assez critique et Apple par exemple est valorisé à 410 milliards de dollars. Suivons-le ! A partir de maintenant, fermez tous les consulats à l’étranger, ne faites aucun lobbying pour les industriels français, ne déstabilisez aucun régime étranger pour imposer vos produits. Laissez courir car finalement, l’État ne gagne rien directement de ces actions. Ce sont les entreprises françaises. Qui comme nous le savons tous, ne servent aucun intérêt de leur gouvernement. Tiens, Dassault a enfin vendu le rafale aux indiens !

 

Que la France ait surpayé les récoltes de vin algérien et de produits africains est sans doute plausible. Mais l’on ne peut ignorer la géopolitique dans cette situation. La guerre froide était à son climax et le monde atlantiste avait chargé la France et l’Angleterre de s’occuper de l’Afrique. L’Afrique francophone a donc été un pré-carré français soumis aux influences soviétiques. La France se devait donc de protéger son antre et donc, de faire des concessions, comme payer plus cher le cacao, le café et les ressources locales. Une fois que Gorbatchev à achever son pays, la situation s’est rapidement rétablie : les dévaluations et les prix d’achat de matières premières agricoles ont suivi le cours de marchés internationaux.

En soignant les Africains, louable entreprise, les colonisateurs ont donc, sans en avoir conscience, créé un choc démographique en retour. Comme la colonisation avait également mis un terme aux famines, la population du continent fut multipliée par 7. Avec 100 millions d’habitants en 1900, 1milliard en 2009, 2 milliards en 2050 et peut-être 4 milliards en 2100, l’Afrique voit sa population doubler à chaque génération. Page 78

Merci pour la sollicitude ! Grâce à ces soins de colons, nous devrions être 8 milliards, en 2200 ! … Je suis officiellement le deuxième après JC à avoir réussi à revenir des morts, tellement j’ai ri !

 

Accordons-nous une digression!

 

 

 

Chapitre 4 : Pour en finir avec l’immigration choisie, forme contemporaine de traite

 

Pour en revenir à ce chapitre, rien de bien décapant sous le soleil. j’ai déjà dit ce que je pensais de ce thème, plus haut et dans d’autres articles. Il est évident que la place d’un noir se trouve en Afrique.

En ce qui me concerne, je ne m’en suis jamais caché, je suis venu en France pour faire des études, puis des euros. Une fois que j’aurais réussi mon projet de soutien scolaire en banlieues, et ériger une société que j’espère rentable, je retournerai réinvestir le fruit de mon labeur.

 

La question que vous devriez-vous poser est de savoir quel est le rêve français ? Le rêve américain, on le connaît tous. C’est quoi le rêve français ?

Je ne dirais jamais à un jeune étudiant de retourner les mains dans les poches comme le messie, pour rebâtir le continent. Car une fois terminée la glose, il faut payer les factures. Le plus important pour l’Afrique est d’avoir une diaspora expérimentée, argentée et préparée pour son retour. Sur le constat du pillage des valeurs et des terres, c’est une réalité et dire le contraire serait fumisterie.

 

 

 

Chapitre 5 : Prendre en compte la réalité ethnique

 

Je n’ai rien de spécial à dire sur vos affrontements entre spécialistes occidentaux de l’Afrique.

Jean-Pierre Chrétien dit A, Coquery-Vidrovitch dit B, Amselle dit AB, vous dites C… Franchement, je n’ai trouvé aucun intérêt à ce chapitre.

Et sur votre débat de spécialistes blancs sur l’histoire de l’Afrique noire, je vous le laisse, bien volontiers. Je me demande simplement ce que l’on penserait ici si deux professeurs sénégalais s’écharpaient sur la réalité ethnique des français. Si ! Je sais ce qu’on dirait : mais de quoi ils se mêlent ?

 

 

 

Chapitre 6 : Reconstruire par ethnies

 

A part avoir un condensé historique des conflits ethniques et/ou religieux dans quelques pays comme le Soudan, l’Éthiopie, le Nigeria ou la Côte d’ivoire, et la fameuse histoire d’Afrique du Sud (Pendant mes études, j’écoutais beaucoup de rap à la radio et par la force des choses, je suis tombé parfois sur vos cours d’histoire sur Radio Courtoisie. Cela est toujours vivifiant d’avoir des sons de cloches différents et il me faut avouer que le vôtre est assez différent, en effet.), qu’apprend-on d’intéressant de votre plongée ?

La véritable décolonisation de l’Afrique passe, et nous l’avons dit, par la prise en compte de l’évidence ethnique. Page 129

 

 

 

BL

En conclusion,

 

Décolonisez l’Afrique est selon moi, un cri du cœur. Soit ! Après tout, vous vous êtes passionné pour l’Afrique comme tant d’autres, depuis… Longtemps. Vous êtes un africaniste, bardé de diplômes et de reconnaissances. Soit ! Mais en quoi êtes-vous foncièrement différent des autres africanistes occidentaux ?

 

Je me méfie toujours des gens qui veulent se battre à ma place. Infantilisation, vous aviez dit ?

 

Mr Lugan, votre discours est certes franc, mais il s’adresse à votre génération. Vous parlez à une génération passée et bel et bien passée. Vous parlez de paradigme. C’est bien le problème. Nous ne sommes plus dans le même paradigme. On a trop longtemps dit que lorsqu’un vieux meurt, une bibliothèque brûle. Je crains que cela ne soit plus le cas avec votre génération. La nôtre n’attend que la fin de la vôtre pour passer à autre chose.

 

 

Votre livre plaira à votre génération, sans offense aucune. Manifestement, il ne se destine pas à moi.

 

Les mentalités africaines ont muté et n’ont pas attendu vos lumières pour s’établir. La victimisation est le jeu d’associations parasites, et en aucun cas d’africains. Les noirs en France sont sur un autre registre. Vous trouverez toujours un ou deux bounty pour vivre la larme accrochée à votre porte-monnaie, c’est sûr! Mais la jeunesse africaine actuelle ne vous demande rien, ne vous réclame rien, ne vous doit rien. En fait, votre génération, toute votre génération quelque soit le bord, nous les brise, à vouloir continuer d’exister sur ces sujets.

 

 

Ce que j’ai pensé de votre livre ?

Vous aurez dû l’écrire il y’a 25 ans. Il aurait eu plus d’intérêt.

 

 

 

 

Osez le bon sens !

YDM

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