Comprendre le gratuit en banlieue

Le gratuit en banlieue, vu de ClaireYvesAndré

 

En banlieue, la prégnance de la gratuité est saisissante. Ce qui n’est pas gratuit paraît suspect.

Combien de fois dans le cadre de notre activité de soutien scolaire n’avons-nous pas entendu des prospects nous déclarer avec aplomb :

 

C’est payant, chez vous ?

 

Interloqués de découvrir qu’en effet, nous avions commis un crime de lèse-majesté de proposer un service payant de soutien scolaire dans la Seine Saint-Denis.

D’où vient le fait que nous recevions moins d’appels quand nous faisons passer des annonces payantes dans le journal de Saint-Denis et largement plus quand nous publions des petites annonces pour étudiants ?

Les exemples pullulent et nombre d’entreprises coulent à cause de ce principe de gratuité; ce sentiment de passer pour un pigeon si l’on paie pour un service.

Nier les difficultés financières des familles du département serait malhonnête et stupide. Mais nier le fait que la gratuité soit devenue un « pilier » social en banlieues l’est tout autant.

 

Le gratuit assèche l’initiative et le respect de soi dans nos cités.

 

Il faudra répéter sans cesse aux nôtres et notamment aux plus jeunes, nés dans ces quartiers, ces générations free natives, qu’il est digne de payer pour un service. La gratuité n’est qu’un artifice politique pour continuer de dominer et contrôler les banlieues. Tant que vous aurez la main tendue, nous n’aurons aucun respect. Au lieu d’instituer des devoirs de mémoires, nous devrions d’abord nous rééduquer à payer, à se faire respecter : à rester dignes.

Bien évidemment, lorsqu’on est plongé dans le dénuement le plus complet, la solidarité ne peut être que promue pour permettre à celui qui est tombé de se redresser. Mais, cela doit être momentané et non chronique.

Cela devient gênant quand des familles insérées dans la société, ayant un emploi et des revenus corrects, de petits fonctionnaires ou d’ouvriers, réagissent comme des familles RMIstes.

Les politiques et les médias ont laissé croire qu’en banlieue, il n’y’avait que chômeurs, délinquants, mendiants. Cela semble avoir très bien réussi et imprègne les mentalités et les réactions des habitants qui y vivent.

Et puis, si certains quartiers ont 40% de chômage de jeunes, cela veut dire qu’il y’a 60% de travailleurs jeunes actifs. Où sont-ils dans ces représentations victimisantes ?

 

Le gratuit mène au pleurnichard, au mendiant, au fainéant. A tous ces stigmates qui affublent nos cités. Il y’a du désespoir dans les halls d’immeubles, beaucoup de peines et de problèmes qui arpentent les rues de nos villes. Mais, si nous sommes des battants, alors nous devons d’abord nous affranchir de cette drogue qui nous maintient dans la mouise.

La banlieue ne s’en sortira jamais avec de l’associatif et des incantations de politiques. Elle s’en sortira quand elle multipliera des exemples de réussites professionnelles; des médecins, comptables, maçons, menuisiers, plombiers, commerçants, paysagistes, chauffeurs, garagistes…

 

C’est honteux pour un africain d’être obligés d’acheter de la nourriture africaine dans un magasin détenu par des chinois. Honteux pour nous. Et laisser croire le contraire est criminel. Qu’ils aient quelques échoppes, c’est normal et personne n’aurait rien à redire. Qu’il ait peu d’africains détenteurs de ces boutiques, centrales pour notre alimentation, est absolument parlant. L’évidence devrait nous sauter aux yeux. C’est une conséquence directe du gratuit. Il induit des comportements sociaux déresponsabilisants.

 

Même des familles aux revenus corrects se sentent obligées de faire pauvre, d’afficher pauvre, de penser pauvre.

 

Le gratuit irrigue nos réflexes. Cette propension quasi-naturelle de croire qu’un commerçant qui se fait une marge en vous vendant un produit est un escroc. L’on dit toujours que c’est à cause de la violence que les commerçants désertent la banlieue; c’est partiellement faux. C’est d’abord à cause du gratuit et de sa mentalité.

 

 

93-infos, seul site d’informations créé par Mélanie Chaluleau, jeune journaliste a interrompu sa diffusion sur internet, faute de moyens le 11 mai dernier. Et pourtant, c’était une belle initiative qui aurait dû recueillir l’attention, l’intérêt et la solidarité du 93. Il n’en est rien. Elle a fermé boutique.

Mea culpa ! Nous aurions pu annoncer chez elle. Si son audience avait été conséquente et pérenne. Mais annoncer, c’est payer. Donc, si nous payons, nous devons avoir quelques prospects qui se transformeront en clients et qui nous permettront de recruter des étudiants dans les villes et de dégager une marge; marge qui sera réinjectée en partie dans une autre campagne de communication dans son canard.

Mais si le recours naturel, c’est l’informel et la gratuité, les annonceurs n’annoncent pas, les sites d’informations ferment, et à terme, les annonceurs se barrent. Ce qu’ils ont toujours fait dans le département. Pourquoi ? Pas à cause de la violence. La banlieue est un sacré marché captif en réalité pour certains secteurs comme le transfert d’argent, les assurances et les banques.

 

 

Pourquoi ? Parce que le gratuit est roi, l’informel prince héritier.

 

Vous pourrez rétorquer pour les annonces dans sur 93-infos, qu’il y’a 40 journaux municipaux qui y sont arrivés très bien. Ils sont distribués gratuitement. Et ils sont là depuis la nuit des temps, bien portants. Comment s’en sortent-ils ? Grâce à vos impôts.

 

Le gratuit n’est pas du gratuit. On n’a rien pour rien dans la vie. Ce que vous ne payez pas directement, vous est surfacturé indirectement. Au mieux, l’on vous le répercute, au pire, l’on y rajoute d’autres frais annexes qui vous font gonfler vos impôts locaux.

 

En réalité, le gratuit ne profite qu’à ceux qui ont besoin de vous avoir sous la main, sous contrôle.


            

Payer, c’est compter. Payer, c’est exister.

 

 

 

Osez le bon sens !

YDM

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