Comment l'Angleterre a inventé le néo-colonialisme ?

La promotion sociale de la bourgeoisie catholique irlandaise a rendu nécessaire un programme historique de discrimination positive pour installer les catholiques à des postes et des secteurs d’activités précédemment réservés aux protestants. « Nous devons rechercher des catholiques respectables à engager, » Peel a dit à son Ministre de l’intérieur, mettant en lumière la nécessité de rejeter comme « principe spécieux » l’idée selon laquelle « si les protestants sont mieux qualifiés pour un poste vacant, les protestants doivent [Par conséquent] être préféré aux catholiques. » Peel a sommé Earl De Grey, le vice-roi d’Irlande, de poursuivre la promotion d’un certain avocat catholique bien-vu. Quand De Grey a rétorqué qu’il « ne sentait pas que cela était sage ou opportun d’engager un homme peu convenable simplement parce qu’il est catholique, » Peel a patiemment expliqué la logique de cette situation : « Quel motif pouvons-nous donner au catholique affecté d’arrêter l’agitation… si l’avenue… pour légitimer le fait qu’elle lui est close… » C’était une folie, il continua, d’ouvrir l’accès aux « services populaires » à la bourgeoisie catholique en usant de l’acte d’émancipation catholique, tandis qu’au même moment, « chaque avenue vers les services royaux leur seront closes. » Combiner l’Émancipation avec un tel exclusionnisme catholique, il conclut, aurait été simplement d’ « organiser une force de démagogues malveillants » de mettre de l’huile sur le feu de l’insurrectionnisme irlandais. En 1845 un nombre de hauts fonctionnaires du gouvernement irlandais furent accordés aux catholiques, tandis qu’un adjoint d’un Lord Lieutenant d’un comté et un magistrat étaient renvoyés pour avoir participés aux manifestations de protestations contre ce qu’ils appelaient « la reddition du gouvernement à la papauté. »

Sous l’oppression raciale de la période des Lois Pénales, les hommes d’affaires catholiques, avant d’exercer, étaient obligés de payer des frais exorbitants chaque trimestre aux « Maîtres » de leurs activités respectives, l’alternative étant d’abjurer la religion catholique; et dans la période 1776-80, Arthur Young a montré les catholiques irlandais étaient écartés des affaires requérant du capital.

 

C’était plus évident dans le terrain majeur des activités économiques, l’agriculture. De l’ensemble des propriétaires terriens, 38% étaient catholiques, mais recevaient seulement 15% des loyers des terres; ceci probablement réfletait leurs parts de la totalité des terres agricoles. Les paysans catholiques irlandais, réduits par la famine et l’émigration, et dépendants des propriétaires protestants, étaient encore en train de se battre pour obtenir les droits de locataires que les paysans protestants d’Ulster avaient déjà depuis 2 siècles et demi.

 

Faire des assiégeants un membre de la garnison

Sir John Davies pouvait finalement dormir en paix : la souveraineté anglaise pouvait enfin gouverner l’Irlande via « les Lois Ordinaires et les Magistrats » sans la nécessité d’ « envoyer l’armée le faire. » Vers 1850, l’Irlande avait une force de police de 14000 personnes, moitié catholiques, une force équivalente à un policier pour 425 civils (comparé au ratio de 1 pour 1060 en Ecosse, et 1 pour 840 en Angleterre et aux pays de Galles). Au même moment, la présence continue d’une armée anglaise de 20 à 30000 hommes en Irlande était le symbole le plus flagrant de l’oppression nationale du pays. Cependant, comme la constitution britannique interdit une armée permanente à l’intérieur du pays, les militaires irlandais ont fourni une armée de réserve prête pour l’empire et le pays conquis. C’était le motif de fierté et de vantardise d’ O’Connell et ses collègues députés libéraux anglais que les services de contrôle social de la bourgeoisie catholique avaient permis au gouvernement de fournir de ses propres garnisons irlandaises, une force pour combattre les travailleurs anglais luttant pour le droit de voter, et une autre pour lutter contre les catholiques français et les rebelles anglais du Canada en 1837.

Un réaliste en avance sur son temps, le fameux député libéral Charles James Fox a dit en 1805 : « L’Ascendance Protestante a été comparée à une garnison en Irlande; ce n’est pas dans nos forces que nous devrons tirer pour ajouter de la puissance à cette garnison, mais je ferais des assiégeants eux-mêmes une partie de la garnison. »

La « garnison », un tampon intermédiaire de contrôle social adéquat pour que les anglais dirigent l’Irlande, ne pouvait avoir lieu sans abandon de l’oppression raciale; les « assiégeants », la bourgeoisie catholique laïc et bureaucratique, serait désormais le membre principal de la garnison du système d’oppression nationale.

 

Des divergences et parallèles

En Irlande, les classes dirigeantes anglaises ont trouvé nécessaire de pousser la bourgeoisie catholique à être la strate intermédiaire de contrôle social et donc, d’arrêter l’oppression raciale, sauf dans l’Ulster. Même si l’histoire des USA ne présente aucun parallèle avec ce phénomène, un parallèle peut être vu dans l’histoire des Antilles britanniques. Les Antilles britanniques et l’Irlande démontrent le principe général de « relativité des races » comme une fonction de contrôle social des classes dirigeantes. Dans les deux cas, le pouvoir dirigeant colonial, face à des pressions insurrectionnelles et des menaces extérieures, au bout d’une période de temps (à peu près le même dans ces cas), résout le problème en recrutant des éléments dans le groupe oppressé – catholiques dans un cas et personnes d’origine africaine dans l’autre – dans un système tampon intermédiaire de contrôle social.

En plus de cela, ceci nous aide à comprendre mieux les études liées à l’intégration des immigrés antillais dans la société américaine comme afro-américains. De tels travaux permettent de souligner le contraste dans les systèmes de contrôle social bourgeois – l’oppression nationale dans les Antilles, l’oppression raciale aux USA.

 

Ces immigrés ont expérimenté le « choc culturel » de la transition du système basé sur les classes d' »Ordre social tripartite » avec les afro-caribéens « de couleurs » en classe intermédiaire, jusqu’au suprémaciste ordre social blanc aux USA qui subordonnent la distinction de classe à l’unique distinction raciale. Aux Antilles, les immigrés avaient « accès à tous les commerces et professions, » « mais aux USA ils étaient interdits de pratiquer des affaires pour des syndicats et des employeurs blancs, et de participation aux activités professionnelles majeures. Marcus Garvey, leader de l’association United Negro Improvement, avait été formé dans l’imprimerie par son parrain en Jamaïque, mais il a « reconnu la différence »: aux USA, il a été interdit des emplois pour syndicats « Blancs ».

Dans les Antilles danoises, St-Croix dans les îles vierges les hommes de couleurs libres étaient la catégorie intermédiaire. – en 1834, 13 ans avant le décret de l’abolition de l’esclavage là-bas. Le « choc culturel » dans ce cas était apporté dans l’île des USA, sous la forme du régime institué sous l’administration navale américaine après l’achat de l’île par l’Amérique en 1917. Le nouvel ordre suprémaciste blanc, ce qui n’avait jamais eu court à St-Croix, était « violemment imposé sur les habitants, » selon Hubert H. Harrison, un immigré de St-Croix aux USA qui a gardé les attaches avec son île.

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Écrivant sur la période de 1900 à 1937, la doctorante Ira De A. Reid a dit que l’immigré antillais n’avait pas compris « l’usage des synonymes ‘Negro’ et ‘De couleur’ aux USA. » – une distinction assez cruciale dans un ordre social tripartite aux Antilles, mais qui devait être ignorée dans le système d’oppression raciale aux USA. Reid a observé que :

« Plusieurs nègres immigrés ont dû faire un travail psychologique contraire pour accepter cette stratification. » Pour la même raison, dit Wilfred Samuels, les immigrés antillais ont résisté « d’être mis dans le même sac que leurs parents afro-américains. » Peut-être devons-nous trouver que l’expérience de ces immigrés antillais aux USA était comme celle des catholiques irlandais sans emploi et sans terre, venant de Belfast. La différence était, bien sûr, que le paysan affamé irlandais et le tisserand pouvaient échapper à la soumission de l’oppression raciale en migrant et en devenant une part du système de la suprématie blanche aux USA, là où être catholique était une offense pardonnable, mais ne pas être blanc ne l’était point.

 

 

Pages 110-114

 

The Invention of the white race

Volume 1 : Racial oppression and social control

Theodore W. Allen

 

 

 

Osez le bon sens !

YDM

 

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