Les banlieusards de la banlieue : les Roms, vu par Etienne Liebig

Avant tout, un grand merci aux habitants des Vosges qui ont réussi à renvoyer Jack Lang à l’hospice.

Etienne Liebig, médiateur social à Noisy-le-sec, a commis un nouveau livre portant sur les Roms.

C’est un vibrant plaidoyer contre le racisme envers les tsiganes et une vulgarisation de l’histoire de ces peuples nomades. Nous avions rendez-vous avec l’auteur mais certainement accaparé à faire évader des Roms de leurs bidonvilles pour les reloger chez lui, ce dernier n’a pas honoré son engagement.

Qu’y’ a-t-il à découvrir dans cet essai ? Rien à part un vif attachement à cette communauté, sans doute complexe et protéiforme, de l’auteur qui s’applique à défendre mordicus ses protégés. Les arguments sont assez … attendus et entendus: conventionnels: le racisme; ce n’est pas bien, la pauvreté est la cause de leur situation, personne ne les aime depuis des siècles, ils ne peuvent pas travailler en France à cause des permis de séjour de 3 mois, ils sont incompris car ils ont des valeurs auxquelles ils restent très durement attachées, ils n’ont pas de porte-voix car ils sont très discrets et souhaitent le demeurer, ils ont souffert énormément lors de la deuxième guerre mondiale, il faut les aimer au nom de l’humanisme…. Beaucoup de passions. Et puis, foncièrement, personne n’est pour la guerre, le mal, la discrimination, le racisme et tutti quanti.

Le livre accorde dans sa première partie une large place à l’histoire des discriminations et des racismes en France (50 pages sur 150). Passages obligatoires, j’imagine, pour toute personne souhaitant traiter d’un sujet ayant trait à la discrimination des Roms.


            

Comme pare-feux du racisme; l’antiracisme et son cortège d’associations de gens bien: collectifs autoproclamés de ceux qui savent mieux que vous, pauvres crétins manipulés, ce qui est bien pour vous.

Le chapitre sur la construction de la mythologie tsigane est assez intéressant et dresse au travers d’exemples médiatiques, au cinéma, à la télévision et dans la chanson, tous les stéréotypes qui jalonnent ces populations.

Victor Hugo, comme de nombreux auteurs se sont laissés aller à des raccourcis anthropologiques sur les tsiganes. On retrouve toujours les jugements « éclairés » de ces grands hommes (grands aussi par la mythologie, une compil des meilleures éructations humanistes de ces grands intellectuels irréprochables devrait être publiée pour que le public se rende compte à quel point ils étaient parfois très humains).

Les chercheurs spécialisés n’y vont pas non plus de main morte (Jules Bloch, Jean-Pierre Liégeois et Mme Nicole Martinez, ethnologues ont des propos pour le moins caricaturaux sur l’objet de leurs études. La limite entre expertise et humour est parfois largement franchie.)

Néanmoins, l’expérience de la vie fait comprendre à tout un chacun que les représentations et fantasmes des uns par rapport aux autres sont des phénomènes naturels, difficilement contrôlables. Les préjugés font partie de la société et personne ne naît avec l’encyclopédie des peuples dans son berceau. L’auteur déclare que les préposés aux commentaires officiels ne comprenaient pas les nuances entre les tsiganes, roms, gens du voyage, gitans, pentecôtistes et j’en passe, lors de leurs reportages. Mais enfin, personne ne comprend les nuances entre ces sous-ensembles. Et au fond, cela n’intéresse personne.

Il est évident que lorsqu’on dit les africains ou les chinois, l’on généralise à outrance. Les gens ne sont pas idiots, ils comprennent. Il faut aller vite, on peut le déplorer, c’est sûr! Il n’en demeure pas moins qu’ils le comprennent. En tout cas, ils savent de qui on parle.

En quelques pages, Etienne Liebig revient sur les évènements de Saint-Aignan qui ont causé une répression sarkozyste hors-normes (expulsions, destructions de camps, discours viril contre les Roms, durcissement des lois contre la mendicité…). Pour info, l’été dernier, la mort d’un gitan tué par les gendarmes à la suite d’un vol et d’un forcing d’un barrage a créé un climat de violences dans cette ville de campagne et la révolte des gitans du coin (gendarmerie vandalisée, arbres coupés).

D’abord, Sarkozy a toujours eu pour habitude de se précipiter sur le moindre fait divers qui pouvait rehausser sa stature d’homme intrépide et il n’y’avait pas de raison qu’il ne le fasse pas pour ce cas.

2 gitans qui volent avec violence un passant, s’enfuient, sont repérés par des gendarmes, forcent deux barrages. Qu’aurait-on voulu ? Que les gendarmes les regardent s’en aller tranquillement après avoir foncés sur eux ? Ils ont tiré et tué l’un des malfrats. Émeutes de ces gitans (émeutes très très confinées à la localité où s’est déroulée les faits; c’est un abus de langage de généraliser à toute la communauté). Pourquoi pas ! Mais sur le fond, qu’auraient dû faire les gendarmes ?

Et Sarkozy au vu de ses antécédents ? Il a surréagi comme d’habitude et basta. D’ailleurs, il n’avait pas le choix car les médias ont relayé amplement l’attaque de la gendarmerie. La vérité est que si cette histoire avait été le fait de deux banlieusards, et avait dérivé en révoltes et attaques de commissariats, la répression eût été encore plus insensée. Que s’est-il passé de si extravagant comme répression contre les gitans ? Qui s’en souvient encore ?

Deux trois députés se sont lâchés devant le micro et ont certainement rappelé quelques heures sombres de l’histoire à quelques-uns, soit ! Ils se sont faits remonter les cervelles par les gardiens du temple. Au demeurant, personne n’a porté plainte. A part cela, que s’est-il passé de si terrifiant sur cette communauté ? Elle qui a immédiatement été soutenue par la population et les associations ? Sarkozy a fait son foum foum, pondu quelques édits inapplicables et est passé à autre chose, comme d’habitude.

Les évènements de Saint-Aignan étaient un épi-phénomène médiatique dont l’importance n’est absolument pas établie. Vouloir en tirer à tout prix, un enseignement sur « l’utilité des roms en politique » est simplement caricatural, une extrapolation : branlette intellectuelle. D’ailleurs, l’auteur n’y consacre que quelques maigres lignes (Chapitre événements de Saint Aignan et quelques confettis ici et là) et l’essentiel de son propos réside dans l’histoire des tsiganes, des racismes, et leurs influences sur nos comportements.

Il n’y’a simplement pas matière à turlupiner. Les Roms en politique, ne pèsent rien, n’intéressent personne et quand on dit, personne, c’est vraiment personne. Et il n’est même pas sûr que les français aient été contre Sarkozy dans cette épisode sociale. Il est vrai que cela aurait dû avoir une plus grande importance politique. Simplement, les gens n’en ont rien à foutre. Les élections se sont déroulées récemment et jusqu’à preuve du contraire, le sujet Roms n’a jamais point d’un quelconque débat politique. C’est difficile à dire, mais les Roms en tant que sujet politique sont à la politique ce que l’appendice est au corps humain.

Et avec Sarkozy, chaque fait divers prend des allures hollywoodiennes. Les Roms s’en sont plutôt très bien sortis : l’UE a gueulé, les assos ont gueulé, les gens bien ont gueulé, les gens pas bien ont gueulé, Sarkozy a laissé tomber. Le racisme d’Etat pour les Roms, … On l’attend toujours.

Par contre, les Roms dans la société sont une énigme, notamment en banlieues. Il est pratiquement impossible de dire quoique ce soit sans tomber sous le coup d’une quelconque fatwa de bienséance édictée par les gens bien. Des questions demeurent et mériteraient quelques réponses :

La mendicité : a-t-on encore le droit de se sentir persécuté, agressé, par ces gens qui donnent à voir leurs difformités au public ? Qui vous tendent des guets-apens aux feux ? Nettoient de force vos vitres ? Pénétrent sans égards votre zone de confort et vous font passer pour un type méchant (quand vous refusez de payer) ou un demeuré (quand vous payez contraints par les regards inquisiteurs de la foule). Etienne Liebig dit qu’ils sont très courageux car ils mendient dans Paris. Le courage serait surtout qu’ils y squattent. Qu’ils s’installent auprès de ces bobo humanistes et bien. Au lieu de quoi, les camps sont tous basés en banlieues et l’on ne peut traverser deux carrefours sans être assaillis de quémandes, d’enfants, de femmes, de vieux, d’handicapés, d’hommes et même de femmes enceintes. Cette surexposition voulue de la misère est profondément odieux et injuste pour le citoyen lambda qui se retrouve kidnappé par ces marchands de l’émotion forcée.

La vie est dure, c’est sûr ! Mais est-on obligé d’avoir des dents jaunes, l’haleine fétide pour faire l’aumône ? Cet excès de misérabilisme, ce forcing émotionnel (certains iraient jusqu’à viol) dans un but dattendrissement du pigeon est une agression pure et simple, de plus en plus insupportable pour qui le subit quotidiennement. »

Si les Roms n’arrivent pas à trouver un travail, c’est peut-être parce qu’ils ne parlent pas du tout la langue française. Comment explique-t-on qu’un sans-papier malien travaille pendant des années en France et qu’un Rom, européen, ne puisse le faire ? D’aucuns rétorqueront qu’ils ont des permis de séjour de 3 mois. Et le malien sans-papier depuis 20 ans, il a quoi, lui ? Et puis, il y’a bien des naissances de Roms en France. Ces naissances permettent aux parents de pouvoir scolariser leurs enfants et engager des procédures pour s’installer sereinement sur le territoire. Pourquoi cela ne marche pas chez les Roms ?

Est-il tolérable d’avoir des décharges pour lieux de vie de familles ? N’en déplaise à l’auteur, les règles de santé de grands ensembles, nécessitent d’améliorer leurs conditions d’habitat, de soins afin d’éviter la propagation de maladies et de problèmes de santé publique (manque de toilettes, promiscuité, …).

Voici un exemple probant

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Y’a-t-il encore une place (profession, sociabilité, cohésion sociale, travail, reconnaissance sociale…) pour le nomadisme dans une société moderne fondée sur la sédentarité ?

Que va-t-il se passer après l’entrée de la Roumanie et de la Bulgarie dans l’UE pour les Roms ?

Le livre d’Etienne Liebig a le mérite de poser véritablement la question de la place des Roms dans la société. En banlieues, les Roms sont un corps étranger, un trou noir, constitués d’individus aux modes de vie assez « particuliers » et « bizarres ». Au mieux, ils sont invisibles. A bien des égards, ils ont la vie la plus difficile qui soit et souffrent visiblement de leur enclavement. Cet isolement est-il volontaire ? Auquel cas il est assez suicidaire et ne provoquera que le courroux des autres communautés.

Les Roms sont-ils discriminés ? Oui, sans aucun doute.

Pourrait-il en être autrement ?

Il est des stéréotypes, des préjugés. Et puis, il y’a la réalité, ce que l’on voit, ce que l’on ressent. A mon avis, jamais les préjugés n’ont autant collé à la réalité. Il ne tient qu’aux Roms de donner à voir autre chose que les sempiternels refrains sur leurs spécificités.

15€

Osez le bon sens !

YDM

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