[CDNI] Rompre avec le récit paternaliste de l’abolition

Afin de débuter cette série d’articles qui sera consacrée à l’esclavage, et particulièrement, à la nécessité de penser son déroulement, ses profits, son abolition, et sa mémoire actuelle  en termes politiques et non pas moraux, on commencera par aborder la nécessité de penser son abolition comme l’aboutissement des révoltes des esclaves, et non pas comme un acte de charité de la part des métropoles coloniales. Pour illustrer ce déplacement, véritable tour de force et pied de nez au paternalisme (néo)colonial, on se saisira d’un exemple précis :  la bataille idéologique autour des dates de l’abolition de l’esclavage en Martinique. 

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Au début des années 1980, une lutte s’engage entre les Martiniquais, notamment les professeurs d’histoire-géographie, et l’État français à travers l’Éducation nationale, autour de cette période de la Martinique où il était question d’abolir l’esclavage sur l’île. Deux dates, le 27 avril 1848 et le 22 mai 1848, font l’objet d’un vif débat sur le sens même à donner à l’abolition de l’esclavage.

  • Le 27 Avril 1848 correspond à la date où est voté le décret d’abolition par le Gouvernement provisoire de la République française qui prévoyait l’abolition effective de l’esclavage deux mois après sa réception dans les colonies.
  • Le 22 mai 1848 correspond à l’insurrection des esclaves qui amène le gouverneur de la Martinique à signer dès le lendemain, et non pas dans un hypothétique futur même proche, un arrêté d’abolition immédiate et définitive de l’esclavage sur l’île3. Afin d’éviter une insurrection similaire sur la Guadeloupe, île voisine, l’esclavage est officiellement aboli le 27 mai, là encore comme en Martinique, sans attendre les décrets du 27 avril qui étaient censés devenir effectifs deux mois après leur promulgation.

Ces deux dates font débat, notamment entre le recteur français en poste en 1980 et les enseignants martiniquais qui n’en n’ont pas la même lecture. Marie-Hélène Léotin dans Habiter le monde. Martinique 1946-2006, présente les oppositions autour de ces deux dates et cite les propos du recteur de la Martinique qui déclare en 1980 la chose suivante :

« J’ai voulu tout d’abord que les jeunes Antillais conservent leur mémoire de l’histoire parallèlement à celle de l’histoire nationale à une époque où les jeunes recherchent leurs racines dans le passé. Il était donc indispensable qu’ils connaissent ce grand moment qu’a été le 27 avril 1848. Cette date a en effet mis un point final à la conquête du principe de l’égalité entre les humains en reconnaissant l’égalité des races. La France tournait ainsi une des pages les plus ternes de son histoire. »

 

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